[03/09-04] Entre chien et loup (lory)

Mauvaise nuit. Terrible. Il n'avait passé une nuit blanche pareille depuis... depuis très longtemps. Il se refaisait les dialogues dans sa tête. Essayait de déterminer à quel moment il aurait pu dire autre chose pour rattraper le coup. Mais il ne voyait rien. Il pouvait retourner le problème dans tous les sens, il avait tout démoli tout seul comme un grand, comme un con. Il n'y avait pas de solution qui tombait comme ça du ciel, clé en main.

Pas comme le premier casse-tête qu'il avait résolu assez rapidement une fois le principe compris. Il s'était attendu à quelque chose de plus compliqué, plus élaboré, plus tordu. Peut-être qu'il idéalisait les jeux des Anciens, il ne savait pas. Puis il avait regardé le second casse-tête qui s'était aussi allumé entre ses mains. Et celui là avait été beaucoup plus compliqué.
Bref, après avoir constaté qu'il ne pourrait pas dormir, il s'était amusé. En effet, ça calmait. Et au petit matin, il les avait tous résolus.

Et finalement, il s'était endormi au lever du soleil, tout habillé. De toute façon, il avait bien travaillé la veille, c'était pas un drame s'il arrivait en retard... puis si c'était pour se farcir Kavanagh, par exemple, merci, mais non merci. Même McKay avait tendance à l'agacer. Il était à peine calmé, il ne voulait pas se remettre de mauvaise humeur. Alors il avait dit qu'il était malade, et c'était bien la première fois qu'il balançait un bobard pour éviter de travailler. C'était même la première fois qu'il évitait de travailler. Et en fin de matinée, il était allé voir Heightmeyer pour vider son sac. C'était ça ou ennuyer Sean ou Aaron... Alors que Kate était tout indiquée pour lui parler de son problème émotionnel.

Tout ça pour dire qu'il était allé travailler l'après-midi, et quand Kavanagh lui avait demandé s'il était malade comme il l'avait dit le matin, Tim lui répondit de but en blanc que c'était des conneries et qu'il ne voulait pas se farcir son collègue scientifique ce matin là. Au moins, c'était honnête.
Et puis le temps passa, lentement, inexorablement. Et il se rendit compte qu'il n'avait rien mangé depuis la veille. Alors, forcément, à l'heure du dîner, il planta son collègue et se rendit au mess.

Il y prit un plateau avec des ingrédients divers dont il ne regardait pas la composition. Il avait faim, c'était tout. Si c'était du porc ou du poulet, il s'en foutait royalement. Puis, dîner en main, il se retourna et regarda les tables... et vit Lory, seule... Il hésita un moment, mais il ne pouvait pas l'éviter indéfiniment, ils étaient dans la même équipe et partiraient peut-être bientôt en mission, une fois que leur équipe aurait le feu vert pour ça. Il soupira. Il ne pouvait pas non plus contourner sa propre stupidité ad vitam eternam. Nan, il devait régler ses comptes avec sa connerie. Et demander pardon. Alors il prit une grande inspiration et marcha jusqu'à Lory.

- Heu... b'soir... j'peux m'assoir?

Dehors, la nuit tombait, lentement. Le ciel se colorait de sombre. Entre chien et loup.

Le ton était neutre, OK. Au moins, elle ne l'envoyait pas sur les roses. C'était déjà ça. Il avait besoin de cette neutralité et de cet accord pour réparer ce qu'il avait cassé. Il lui faudrait peut-être de la super-glu et il ne pourrait peut-être pas recoller tous les morceaux, mais il se devait d'essayer.
Alors il posa son plateau sur la table et s'assit en face de Lory. Il n'avait pas peur de parler. Il n'avait jamais peur de parler, et c'était bien là le problème. S'il avait été plus hésitant, moins direct, il n'aurait peut-être pas dit ce qu'il avait dit la veille. Il regrettait amèrement ses paroles.

- Je voulais te demander pardon, pour hier. Je me suis comporté comme un connard.

Il ne toucha pas à son assiette pour le moment. Il voulait parler d'abord. Apaiser Lory s'il le pouvait. Et peut-être aussi laver les mauvaises choses qu'il avait sur la conscience.

- Et te remercier aussi... j'ai résolu les casse-tête la nuit passée. Ils sont vraiment ingénieux, le genre de truc que j'aurais aimé inventer, d'ailleurs j'avais commencé à poser un schéma sur le papier... mais je vois que j'ai au moins dix mille ans de retard sur eux... enfin, bref, merci... Ils m'ont bien servi.

Il se passa une main dans ses cheveux, et regarda Lory dans les yeux. Comment lui dire tout ce qu'il voulait dire sans lui faire peur ou la blesser? Il avait souvent été maladroit avec elle. Il lui sourit.

- Mais bon, assez parlé de moi, je suis pas si important que ça... toi, comment tu vas?

Elle évitait le sujet. Pas besoin d'être un super psy pour le voir. Il pouvait comprendre. Elle avait l'air chamboulée. Après tout, si elle disait qu'il n'y avait rien entre elle et Evan, ça voulait dire qu'elle l'avait repoussée. Donc, elle se retrouvait avec deux soupirants sur les bras. Il pouvait comprendre la confusion...
Alors elle parla des tests génétiques. Il sourit.

- C'est une bonne nouvelle, ça! Tu vas pouvoir jouer avec les casse-tête que tu m'as donnés! Tu verras, ils sont très ingénieux. En tout vas, il m'ont bien occupé l'esprit.

Façon de dire que ça l'avait aidé à se remettre les idées en place, à prendre du recul et à vraiment réaliser qu'il avait dépassé les bornes. Non, elle ne lui avait rien promis. Il avait seulement compris deux informations contradictoires, entre ce qu'elle avait dit, ce qu'il avait pigé, et ce qu'il avait vu. Bref, peut-être bien que n'importe quel pékin aurait pété un câble dans sa situation, mais ça n'excusait rien.

Il baissa un peu la tête et entreprit de couper sa viande... mais il sentait la lourdeur du silence. Il releva ses yeux bleus vers Lory. Il ne parvenait pas à décider s'il devait parler maintenant ou dans trois ans.

- Je... je ne sais plus comment faire... maintenant, j'ai peu de te blesser quoi que je dise... Il y a de nouveau un fossé, et c'est encore ma faute. Je déteste ça.

Il fut un peu interloqué, pour le coup... Il en lâcha sa fourchette qui resta plantée à la verticale dans son steak.

- Y'a plein de femmes ici mais ça n'a rien à voir. Si je voulais juste une copine comme ça, ce serait peut-être plus simple... mais c'est pas le cas.

C'était peut-être un trait d'humour, il n'en savait rien. Si c'était juste pour passer du bon temps, il pourrait demander à quelqu'un d'autre, il trouverait sans doute de quoi s'amuser quelques jours ou quelques semaines, ou une sex friend, ou peu importe, mais il ne pensait pas à ça. Il était profondément tombé amoureux d'elle, il pouvait pas rayer ça comme on raye un nom sur une liste.

Elle évoqua brièvement son passé, tout en ne disant rien, d'ailleurs. Juste qu'il y avait quelque chose. mais quoi? Quelque chose qu'elle ne pouvait pas dire maintenant. Quelque chose de grave? Quelque chose qui lui était arrivé?
Puis elle parla de la lettre, peut-être qu'elle lui écrirait... peut-être. Il regarda sa fourchette, qui le narguait. Seule à se tenir debout, forte. Alors que Tim se sentait aussi bien que s'il était passé sous un rouleau compresseur. Peut-être que ça se lisait sur son visage, par ailleurs. Il n'avait plus très faim.

- J'ai peur que tu disparaisse. Je me suis demandé aussi si j'étais prêt pour ce genre de trucs, parce que ça fait longtemps, et que je n'avais jamais ressenti ça comme ça. Je me suis senti submergé et j'ai mal géré ce qui m'arrivait. C'est pour ça que j'écris aussi. Cela n'a jamais été aussi fort... depuis que je t'ai rencontrée, et depuis le balcon, je ne rêve que de ça... et je ferai mieux de me taire, je te mets encore mal à l'aise, je suis une catastrophe ambulante...

Il regarda la fourchette encore une fois... succession de vagues brisées. C'était désespérant.

- Voyons, ce n'est pas ta faute... mais j'ai juste cru... avec les derniers jours, aussi, ce qu'il se passe entre nous, que tu ressentais quelque chose pour moi, que c'était réciproque et que tu avais seulement besoin de temps... tu vois... si j'ai mal interprété, c'est pas ta faute... J'ai juste cru...

Il ferait mieux de se taire, parce qu'il avait l'impression qu'il réalisait finalement qu'elle ne l'aimait pas. Et c'était la fin du monde. Il avait presque envie de pleurer en se disant ça.

- Alors quand j'ai vu... j'ai pas réfléchi. Et j'ai cru que tout ce qu'on m'avait dit, c'était n'importe quoi... et que c'était juste... je sais plus.

Il n'avait définitivement plus faim. Il était complètement chamboulé. Il se servit un verre d'eau qu'il but d'une traite. Il ne savait plus quoi faire. C'était en train de le détruire.

- Je suis un imbécile, j'ai juste cru ce que j'ai voulu croire, vu ce que j'ai voulu voir et voilà... Je ne sais plus quoi penser...

Il la regarda, les lèvres un peu pincées... Il se retenait de fondre en larmes, là. Et ce qu'elle lui dit ne le rassura qu'à moitié. Ou au quart. Il ne savait pas vraiment. Elle avait besoin de temps, oui...

- Je ne veux personne d'autre, Lory. Je ne sais pas ce que tu entends par "attendre en vain"... tu penses que je t'attends pour rien, que tu ne viendras jamais? Et après tu me dis que tu ne fermes pas la porte non plus... Que dois-je penser? Je sais que tu as besoin de temps... Mais est-ce que tu sais ce que ça fait d'entendre que c'est probablement vain mais peut-être pas? C'est comme être entre deux zones, au milieu de l'autoroute. Je ne renoncerai pas. Ma porte t'es toujours ouverte. Parce que c'est toi, personne d'autre et que si je baisse les bras maintenant, je m'en voudrai toute ma vie.

A son tour de marquer une petite pause et prendre une petite inspiration.

- Kate sait ce que je veux dire. Mais si je répète ce que je lui ai dit, je vais encore te mettre mal à l'aise. Tout ce que je peux dire pour le moment, c'est que je n'ai jamais aimé personne comme je t'aime, et que c'est une certitude. C'est peut-être con, je sais pas... Ma porte est ouverte, tu viens quand tu veux... j'espère ne pas... espérer en vain.

Il soupira. C'était facile de dire ce qu'il avait sur le cœur. Mais c'était difficile de le dire comme il le fallait.

- Et je n'ai plus faim...

Il repoussa son plateau.

Putain, changer de sujet pour parler d'Evan... il n'avait pas tellement envie d'aller dans cette direction. Il aimait beaucoup Evan, c'était un type bien, et il était allé le chercher en vain, il avait été convaincu de sa non-mort... bref, il ne l'avait pas laissé tomber... Mais là, tout de suite, maintenant, il n'avait pas tellement envie d'entendre causer de lui! Mais bon... Lory voulait s'expliquer. Dire pourquoi elle avait mis ce mot. Il pouvait comprendre.

Puis l'histoire des coordonnées et de la planète inexistante l'intrigua. Evan n'avait pas été renvoyé comme ça juste parce qu'il avait été mis à la porte du club, comme Aaron. Il avait sa mémoire (floue, certes, mais quand même!) et un message. C'était donc important.

- Et si c'était comme dans Star Wars 2? Tu sais, la planète aux donnés effacées de l'ordinateur, mais qu'on voit encore sur le planisphère, tu vois, avec le petit Padawan qui dit qu'il manque une planète, qu'un système tourne dans le vide. Je peux essayer de repérer un truc pareil en utilisant la chaise. On ne perd rien à essayer. Si on voit un "trou" dans l'ensemble, on pourra chercher là. Si on ne voit rien... tant pis.

Au moins, penser à ça pouvait un peu le divertir. Et c'était utile à tout le monde. Mais ça l'empêchait pas de penser à elle, à ses yeux, à ses lèvres, à son rire, son sourire, sa peau, sa compagnie, sa voix, son intellect, sa manière d'être, sa timidité... Tout ce qui faisait qu'elle était Elle.

Haaa, elle avait vu les films Star Wars, bien! Il sourit, et acquiesça. C'est vrai que ça représenterait une somme énorme... mais...

- C'est pas faux, ça demande beaucoup de travail, dit comme ça...

Puis elle le compara à Teal'c qui ne connaissait que de loin, et il se demanda pourquoi... est-ce que lui aussi proposait des solutions à priori impossibles? peut-être! Il haussa les épaules et sourit à la comparaison entre Aaron et Obiwan...

- C'est pas faux, y'a un air!

Il redevint sérieux, et revint à l'histoire de la planète manquante et du planisphère, et pendant ce temps, son repas refroidissait.

- Je pense qu'on peut délimiter une région. On a des ordinateurs qui peuvent calculer pour nous. Nous pouvons entrer les symboles dans un programme qui nous donnerait la position supposée de la planète dans le planisphère. En assignant une couleur ou un code arbitraire à ces planètes, qu'elles existent, ou non, on devrait pouvoir faire ressortir ces coordonnées sur le planisphère sous forme, par exemple de points d'une couleur différente. On peut donc voir s'il y a une planète, réelle ou effacée, qui correspond à un de ces points. Cela ne nous aidera pas forcément à y parvenir, si nous trouvons quelque chose, mais au moins à donner un ordre d'idée quant à sa localisation, distance... et on pourra peut-être réfléchir à autre chose à partir de là.

Bref, il avait le cerveau qui carburait.

Il sourit. Il pouvait faire le programme assez rapidement, ce n'était pas quelque chose de très compliqué et il faisait tout n tas de programmes de calculs de coordonnées et d'analyses de trous noirs et tutti quanti, alors ce n'était vraiment pas compliqué pour lui d'assigner une valeur arbitraire à un ensemble...

- OK, pas de soucis; Faudra que je passe au labo prendre mon ordi. Je pense que le programme est assez simple à créer. J'ai déjà des bases de programmes que je peux réutiliser, il me faudra seulement adapter. Puis t'apprendras à te servir du fauteuil... tu verras, c'est assez cool, comme truc.

Il continua son dîner tranquillement. Quand ils ne parlaient pas de leur situation et leur relation compliquée, ça passait très bien. Et puis, ils avaient des choses importantes à faire.




La suite ici: sga-alternatif-jdr.forumgratuit.org/t342-03-09-04-entre-chien-et-loup-suite-tim