[7/09-04] Say I'm Sorry (Lory)

Y'a des journées qui s'apparentaient à des bonnes grosses VDM. Regardez la veille. Un instant, ils semblaient sur le point de peut-être résoudre une énigme... et l'instant d'après se résumait à un billet gratuit pour l'infirmerie. Et Tim avait la méchante impression d'avoir un peu engendré tout ça. Mais bon, ils n'avaient qu'à pas parler de ça, si elle ne voulait pas en causer. Elle voulait éviter le sujet, puis elle l'avait remis sur le tapis... bon, oui, OK, il fallait mettre cartes sur table, s'expliquer une fois pour toutes... enfin, là, c'était confus. Elle n'était simplement pas prête à tenir une telle conversation. Et il avait fallu qu'il pose cette question, évidemment!

Il avait ruminé toute la nuit, se disant que s'il n'avait pas posé la question, elle n'aurait pas pété un câble, n'aurait pas fini à l'infirmerie. Puis y'avait Evan. Puis cette histoire de balcon. Qu'avait-elle voulu dire? Que c'était génial ou la pire erreur de sa vie? Autant oublier! Si ça se trouve elle était tellement dans le cirage qu'elle avait voulu dire qu'elle avait oublié une épingle à cheveu sur un banc la semaine dernière.
Mouais, c'est ça, essaie de te convaincre, mon p'tit père!

C'est pour ça qu'il devait lui présenter des excuses. Il se sentait responsable, et elle n'avait pas besoin de toute cette pression. Il soupira. Il avait passé la matinée à préparer le départ du lendemain, à analyser des données sur les coordonnées... Il était allé manger tout seul, perdu dans ses pensées, et s'était dit que là, c'était bon, elle avait peut-être assez récupéré pour accepter de le voir et de lui parler. Oui, il pensait qu'elle préférerait l'éviter un petit moment pour ne pas tomber dans les pommes une deuxième fois en vingt-quatre heures.

Alors, autour de quatorze heures, heure à laquelle tout le monde avait repris son poste, il alla toquer à la porte de son bureau. Ladite porte était entrouverte.

- Lory?

Il vit tout de suite qu'elle n'était pas super enthousiaste, du coup, il comprit qu'elle lui en voulait. De quoi lui foutre le moral dans les chaussettes, lui qui avait un peu espéré se faire un film et ne pas ne croire 100% responsable. Il entra et essaya de ne pas la regarder. Il avait un regard trop franc, trop direct, comme la plupart de ses paroles, et ça ne la mettrait que plus mal à l'aise.

- Oui, oui... ça va. Je voulais savoir comment tu allais tout ça...

C'était vraiment difficile de ne pas dire ce qu'il avait en tête. Dire que la plupart des gens luttaient pour trouver le courage de dire les choses, lui il luttait pour trouver le moyen de ne pas les dire! Son monde était à l'envers, et il n'y avait pas grand chose à faire... à part rester sur ses gardes et faire attention à ne pas parler trop vite, rester conscient de ses pensées et paroles. Ce n'était pas évident non plus.

- Et puis... et puis je voulais te présenter mes excuses pour hier...

Et en même temps, ça lui faisait bizarre de ne pas la regarder. Alors il releva les yeux - il s'était contenté de fixer le pot à crayon sur le bureau - et tomba sur ceux de Lory. Son cœur fit un bond. Mais forcément, un bond pour rien, un bon dans le vide, comme un suicidé du haut d'un immeuble.

Il fut soulagé d'entendre que ce n'était pas vraiment sa faute... mais il ne voyait pas comment ça aurait pu être celle de Lory! Mais il ne voulait pas trop insister sur ce terrain là! Ils auraient probablement d'autres occasions de parler.
Elle baissa le regard. Il s'en voulut aussitôt, il ne fallait pas fixer les gens! Et quand il plantait ses prunelles bleues dans celles des autres, ça mettait souvent mal à l'aise. Parce qu'il avait malgré lui un regard intense qui ne tremblait pas. Il n'avait pas cette gêne ou cette timidité qui le faisait regarder ailleurs.

Puis elle s'excusa carrément d'avoir été maladroite. Il avait l'impression que c'était le monde à l'envers! C'était lui qui commettait bourde sur bourde, impair sur impair! Il savait aussi qu'il comptait beaucoup pour elle. Leur relation ne serait pas aussi tendue, sinon. Il y avait toujours des non dits, comme cette réponse, toujours pas articulée, à la question "qu'étaient-ils?".

- Je sais que tu ne veux pas me blesser... mais je suis terriblement maladroit et à chaque fois j'en rajoute une couche... bref, je suis désolé... Et... heu, je ferais mieux de me taire, parce que je vais encore te mettre mal à l'aise. Tu n'as pas à t'excuser.

S'excuser de quoi? D'avoir eu une vie difficile, d'avoir été victime de Sylvion? D'avoir eu de terribles épreuves à surmonter? Elle n'avait pas à s'excuser. Autant s'excuser d'avoir été tué alors que le coupable courait toujours!
Il mit les mains dans les poches. Il ne savait pas vraiment comment se comporter.

- Et heu... ben... tu travailles sur quoi?

Putain, la diversion. Mais bon, autant passer cette tension sous silence. C'était visible qu'il y avait quelque chose, quand ils se regardaient. Mais impossible d'en parler.

Sur quoi je travaillais...
* Il fait lui-même diversion?! Tant mieux! *
Je pouvais me détendre un peu, un tout petit peu.
" Rien d'urgent. J'avais besoin de m'occuper l'esprit jusque demain. J'ai hâte d'y être et de pouvoir discuter avec l'ancienne qu'Evan est chargé de trouver. Elle pourra peut-être apporter des réponses à nos questions! "
En fait, aborder ce sujet me rendait même enthousiaste. Le travail était LA seule échappatoire. C'était ce dont j'avais besoin. Travailler. Ne pas penser à Tim. Essayer d'avancer avec Evan, et peut-être construire quelque chose, qui sait?...

- Oui, ce serait bien. J'imagine qu'Aaron et toi allez être interprètes officiels. Je doute qu'elle cause anglais, si ça fait je sais pas combien de milliers d'années qu'elle est là-bas.

Il se demandait à quoi pouvait bien ressembler la planète où ils iraient le lendemain. Qu'une femme soit seule là-bas et qu'on ait chargé Evan d'aller la chercher soulevait en soit tout un tas de questions...
Il regarda Lory à nouveau. Elle s'échappait dans le boulot, c'était visible. Il ne faudrait pas qu'elle se surmène non plus. Elle sortait d'une crise, quand même, même s'il y avait eu plus de peur de mal. Il faisait des efforts pour ne parler de sujets qui fâchent. C'était pas facile, il fallait l'admettre. Il était du genre à chercher la petite bête et à parler franchement. Lory était un défi pour ses capacités cérébrales. Il continua tout de même sur le sujet de la mission. C'était sans danger de causer de ça.

- Je me demande comment elle est arrivée là-bas et dans quelles circonstances. Elle pourra peut-être nous dire pourquoi y'a personne ici.

Et franchement, au fond de lui, il le sentait, ça ne présageait pas forcément quelque chose de bon...
Mais il avait l'impression de mener une discussion assez creuse, parce qu'ils faisaient diversion. Ils étaient là, l'un en face de l'autre, le bureau les séparant, et malgré cette conversation, c'était incroyablement silencieux. On ne parlerait de rien d'autre.

Il avait entendu parler de cette ancienne, et en effet, si le schéma se répétait, Lory n'aurait pas à traduire bien longtemps. Lory lui retourna ensuite la question. Voilà. Il suffisait de rester sur des sujets de surface. Et il n'allait pas lui demander ce qu'elle avait voulu dire avec le balcon... Il avait toutes ces questions en tête, et n'en parlerait pas. Il répondit à la question de Lory, de manière la plus neutre qui soit.

- J'étais sur les coordonnées de la planète, à étudier ce qu'il y a autour. Bref, des trucs d'astrophysicien! C'est assez isolé.

Il resta là où il se trouvait, sans s'asseoir, sans avancer. Il ne savait pas s'il devait partir ou pas, mais en même temps, parler de quoi? Pour quoi? Garder des distances, ne pas être amis, ne pas être... rien d'autre, d'ailleurs. Il lui semblait qu'il n'y avait plus rien en dehors de cette tension. Plus rien que ce non-dit, ces sentiments non acceptés. Impasse.

- Bon, ben... je vais te laisser, hein...

Leurs yeux se croisèrent encore. Oui, il n'y avait plus que silence. Et ça faisait mal.