Fanfic dans une autre réalité alternative: "un monde sans Sylvion"

- C'est... c'est normal...

Comme avait dit Leslie, faut bien se serrer les coudes. Et si y'avait quelqu'un qui pouvait l'aider, finalement, c'était peut-être bien moi.
Je posai le plateau sur la table.

- Je veux bien une infusion, oui.

Je pris place à table et regardai le plateau. C'était con, peut-être. Et je ne savais pas comment lui dire que oui, j'espérais qu'elle mange, qu'elle garde la santé, qu'elle évite de se laisser aller, tout ça. C'était délicat. Il ne voulait pas qu'elle tombe dans les mêmes travers que lui. Mais elle était enceinte, elle avait au moins ça. Une raison de vivre. Il ne savait pas tellement comment il avait fait au début... ni même pendant les quatre dernières années. Avant de vraiment reprendre le dessus. Et ça ferait bientôt quatre ans tout rond. Dans moins de deux semaines.

J'y pensais soudainement... nous formions une drôle de paire, avec des futurs anniversaires de veuvage en octobre. Non mais à quoi je pense?
Je la regardais faire le thé. Je triturais mes mains.

- Si... si t'as besoin de quoi que ce soit... un pot de yaourt, un trombone, ou juste parler... je suis là, n'hésite pas. Tu peux venir me déranger au milieu de la nuit ou au labo, n'importe, si t'as besoin, je suis là.

Après, il fallait aussi que je la laisse vivre et décider si elle voulait un pot de yaourt, un trombone ou une oreille attentive...

Je m'occupais donc du thé, quand Tim me dit de ne pas hésiter si j'avais besoin de quoi que ce soit. Je le regardais alors, et dis:
" En fait, il y aurait bien quelque chose... Je dois éviter de porter des charges... et je vais avoir besoin de certaines choses pour le bébé... Je ne suis pas là de franchir à nouveau la porte, et pourtant c'est en la traversant que je pourrais avoir le nécessaire... Tu crois que tu pourrais m'aider? "

Quelques jours passèrent. D'après mes examens, la grossesse se déroulait plus rapidement que pour une humaine. Peut-être était-ce du au fait que mon organisme guérissait plus vite que les humains, alors la grossesse évoluait plus vite aussi. Quoi qu'il en soit, je me sentais un peu perdu. J'avais besoin d'en parler à quelqu'un...

Tim était dans son labo. Je croisais Radek dans le couloir qui me salua. Il allait apparemment chercher quelque chose dont Tim et lui avaient besoin pour avancer. Enfin c'est ce que je compris en entendant Tim et lui parler juste avant que je ne le croise.

J'entrais dans le labo. Je vis Tim à la tâche.
" Salut... "
Je n'avais pas vraiment l'air dans mon assiette. J'étais angoissée, et ça se voyait.
" Je... je te cherchais... Euh... écoute, je... j'ai pas envie de yaourt, et j'ai pas besoin de trombone non plus... "
Une façon comme une autre de dire que j'avais besoin de parler.
" Est-ce que tu aurais... quelques minutes? "

Je lui souris timidement. Je savais ce qu'une grossesse représentait, j'avais assisté Amy jour après jour. Aussi, quand Lory me demanda si je pouvais l'aider, je ne pouvais pas refuser. Et ne le voulais pas non plus.

- Bien sûr, tout ce dont tu as besoin, tu n'as qu'à me dire.

Je pourrais même improviser et lui trouver des trucs utiles ou même seulement sympa, qui pourraient lui remonter un peu le moral.

**

Quelques jours passèrent ainsi, et je devenais pour ainsi dire son bras droit. Mon expérience pouvait servir à quelqu'un, et c'était bien comme ça, même si j'aurais préféré qu'elle ne serve pas autant... pas parce que je ne voulais pas aider, mais parce que les circonstances étaient dramatiques et que j'aurais bien évidemment préféré qu'Evan reste en vie. Mais les choses ne se passaient pas toujours comme on le souhaitait.

Un jour, Lory me rejoignit dans mon labo. Elle avait l'air toute bouleversée, mais somme toute, c'était normal. Etre veuve et enceinte, ce n'était pas une partie de plaisir. Mais elle m'arracha quand même un sourire en me disant qu'elle n'avait besoin ni d'un yaourt ni d'un trombone. Je l'invitai alors à s'asseoir sur une chaise et m'installai à côté d'elle. Je lui offris un sourire amical.

- Bien sûr. Je peux même avoir quelques heures, si tu as besoin.

Je m'asseyais et il prit place à côté de moi. Je lâchais un soupir.
" Je reviens de l'infirmerie. Je devais faire quelques examens pour le suivi de la grossesse... "
J'eus un petit sourire juste pour dire: " le bébé va bien... "
Je repris vite mon sérieux et lâchais d'une voix légèrement tremblante: " Mais j'ai peur... Tu vois, je... je ne suis pas humaine. On ne sait pas ce qui m'attend. Et ma grossesse évolue plus vite que pour une humaine... Je ne sais pas où je vais. C'est l'inconnue... tu comprends? "
J'avais la trouille. Je ne savais ni comment ça allait se passer, ni quand viendrait la fin de cette grossesse. Il y avait quand même de quoi s'inquiéter. Aussi, je ne savais pas que toutes les femmes avaient ce genre d'inquiétudes lors de leur première grossesse. Même si elles étaient informées et correctement suivies, elles avaient des peurs similaires aux miennes. Je ne connaissais personne qui avait eu un enfant ici, personne à qui parler. La femme de Tim avait eu un fils. Peut-être parlerait-il de ce qu'il savait sur le sujet, de son expérience...

Alors elle m'expliqua ses peurs et appréhensions en glissant au milieu que le bébé allait bien. Je pouvais comprendre. Elle n'était pas humaine, même si elle en avait l'air, et se développait plus rapidement que les humains... donc le petit moit-moit se développait assez vite. Mais ces appréhensions étaient les mêmes pour toutes...

Je posai une main sur son épaule.

- C'est normal de se poser toutes ces questions. Amy aussi ne savait pas vraiment comment ça allait se passer, c'était la grande inconnue... Tout ce tu pourras ressentir, tu te demanderas si c'est normal... et il y a de fortes chances que ça le soit. Si le bébé va bien, ça veut dire que même s'il se développe vite, il se développe normalement.

Je lui souris. Bien entendu, je n'avais jamais été enceinte, donc je ne savais pas ce qu'on pouvait ressentir, et c'était le lot des hommes de l'ignorer. Mais je pouvais me servir de ce que ma femme m'avait dit régulièrement.

- Je ne prétends pas savoir ce que ça fait. Mais Amy et moi partagions tout. Tu n'as pas à t'inquiéter.

C'était seulement très triste qu'elle vive ça sans son mari... et que le bébé soit déjà orphelin.

**

Encore quelques jours, et on arriva à la date fatidique qui me rendit nerveux. Quatre ans pile. Quatre ans tout rond. Je ne savais trop quoi faire, mais je sentais mon humeur sombrer quelque peu malgré mes progrès.
Le soir, j'avais décidé quand même de leur rendre hommage. Sur terre, je me serais rendu sur leur tombe. Nos familles s'en occuperaient cette fois ci et découvriraient une tombe sans fleurs pour la première fois. Se poseraient des questions. Et j'avais encore une fois l'impression de trahir Amy et Callum, de les avoir abandonnés.

Je me retrouvai seul sur un balcon, sans pouvoir rien changer à cela. Je pensais à eux, et mes larmes revenaient au galop. J'avais gardé leur photo, ils étaient avec moi, dans la poche de ma veste. Ils me manquaient plus que jamais depuis que j'étais ici.

Tim avait des paroles rassurantes, et sa présence était un peu réconfortante. Je me sentais moins seule dans ce que je traversais. Et il était le plus à même de comprendre dans ceux qui m'entouraient. Il était devenu veuf, brutalement, il savait...

Quelques jours plus tard, alors que je voulais prendre un peu l'air, je le trouvais sur un balcon. En venant à côté de lui, je me rendis compte qu'il avait les larmes aux yeux. J'ignorais à quoi la date de ce jour correspondait pour lui, alors je ne me doutais pas que ces larmes étaient pour son épouse et son fils. Je posais une main sur son bras, avec douceur.
" Tim... Qu'est-ce qui t'arrive?... "
Il était là pour moi, je me devais d'être là pour lui, même si je n'étais pas au mieux de ma forme. Plus qu'un simple devoir, j'avais envie de l'aider. Il se montrait si adorable avec moi! Comment ne pas en être touchée?!
" Tu veux en parler?... "

Je me tournai vers Lory... bon sang, je n'avais pas envie de partager ça avec elle, elle n'avait pas besoin de ça! Mais peut-être que finalement nous étions juste une sorte d'écho l'un pour l'autre. Un vestige tragique d'une vie auparavant heureuse.

- C'est... ça fait quatre ans aujourd'hui.

Je pris place sur le banc, les mains crispées sur mes genoux.

- Comme chaque jours, nous étions en voiture. Je conduisais, on emmenait Callum à la petite école et je déposais Amy à la galerie, puis je me rendais à l'université. C'était notre petit rituel matinal. Sauf que ce jour là un jeune homme a déboulé à tombeau ouvert sur la route et nous a percuté. Je suis le seul rescapé de l'accident. Même le fautif est mort. C'était un gosse, il avait la vie devant lui. Le monde s'est arrêté ce jour là.

Je remontai le visage vers elle.

- Je n'ai plus jamais conduit une voiture depuis ce jour. J'en suis incapable. Rien que l'idée de prendre le volant me glace le sang. J'ai même du mal à être un simple passager. Je suis désolé de t'imposer ça...

Je pensais m'en être mieux sorti que ça...

Lorsque Tim prit place sur le banc, j'en fis de même. Il me confia alors ce qu'il avait sur le cœur. Il s'excusa ensuite.
" Tu n'as pas à t'excuser. On doit se serrer les coudes... Et puis, tu es là pour moi, c'est normal que je sois là pour toi. "
Je lui adressais un sourire un peu hésitant, et ajoutais:
" Si tu as besoin d'un pot de yaourt, ou un trombone... "
Inutile de finir cette phrase, il comprenait. Je posais une main sur son épaule, geste de tendresse, de compassion.

Quelques semaines passèrent encore...

3 mois qu'Evan n'était plus. Moi qui cicatrisais vite, cette plaie saignait encore. Ce n'était plus hémorragique, comme durant les premières semaines, mais ça restait ouvert et douloureux.

4 mois de grossesse, et vu l'évolution de la mienne, c'était l'équivalent de 6 pour une humaine. Encore une autre visite médicale de contrôle faite. Bébé allait bien, et je connaissais même le sexe désormais. Tim était le premier avec qui je voulais le partager, et puis, j'avais aussi quelque chose de particulier à lui demander... C'était fin de journée. Je passais donc par ses quartiers, voir s'il était revenu des labos. Je frappais à sa porte.

Le temps passa encore un peu, et je commençais à reprendre un peu du poil de la bête. ce n'était pas évident. Mais nous étions deux, dans le même sac. Deux veufs avec des plaies qui ne guériraient jamais complètement.
Et les mois commencèrent à défiler... c'était étrange d'être si proche d'une femme enceinte. Je me réveillais petit à petit. Je l'aidais autant que je pouvais. Et ça m'empêchait de retomber dans mes travers déprimants.

Aussi, un soir, après le travail, elle vint me trouver chez moi. J'ouvris la porte et l'invitai à entrer. Sa grossesse se passait plus rapidement que prévu. De ce fait, elle entrait déjà dans le troisième trimestre alors que ça ne faisait que quatre mois. C'était peut-être l'avantage de sa situation: elle n'aurait pas à tenir neuf mois.

- Bonsoir, comment ça va?

Je refermai la porte et allai préparer une tisane. C'était presque devenu ma boisson de dépendance. Comme quoi, quand on avait été accro à quelque chose, être accro à autre chose aidait à tenir le coup, même si ça faisait longtemps que je n'avais pas bu une seule goutte d'alcool.

" Bien, et toi? "
J'allais plutôt bien, et ça se voyait. Biensûr, j'étais fatiguée à cause de la grossesse, mais moralement, je remontais doucement la pente. En fait, je m'accrochais à ce bébé qui allait venir. C'était mon espoir pour un nouveau départ. C'était l'enfant d'Evan, tout ce qui me restait de lui.

J'entrais. Tim alla directement préparer des infusions. Je le suivis. Je trépignais sur place tout en caressant doucement mon ventre. Bébé était assez remuant.
" Personne ne le sait encore... Je voulais que ce soit toi qui en ait la primeur... "
Mon regard pétillait et mon sourire était des plus sincères.
" C'est une fille!... "
Tim savait que j'avais envie d'avoir une petite fille. Je lui en avais déjà parlé.
" Il va vraiment falloir trouver un nom à cette petite... Sache que je suis ouverte à tes suggestions à ce propos... enfin, à une condition: tu accepterais d'être son parrain? "

Elle sembler aller mieux... elle semblait s'en sortir mieux que moi, et c'était tout ce que je lui souhaitais. Et alors que je préparais les infusions, elle m'apprit que c'était une fille. J'en fus touché... touché que je sois le premier à l'apprendre. Je me raccrochais presque aux tasses.

Lory était heureuse de cette nouvelle. Elle m'avait déjà dit qu'elle souhaitait avoir une fille. Cela l'aiderait certainement à aller de l'avant, même si elle s'en sortait pas trop mal. Enfin, je savais aussi qu'elle se raccrochait à la petite. c'était la seule chose concrète qui lui restait d'Evan. Je comprenais tout à fait.

Elle me parla de prénoms et... me demanda d'être le parrain. J'en lâchai les deux tasses qui se fracassèrent au sol. J'en restai sous le choc. Pendant un instant, une fraction de seconde peut-être, je ne répondis rien. Je ne savais plus ce que je ressentais.
Je sortis deux autres tasses, les mains tremblantes et allai les poser sur la table.

- Je passerai le balai, t'en fais pas...

Je m'assis et tournai la tête vers Lory.

- Je... je sais pas quoi dire... j'en serai heureux, Lory... C'est juste... si inattendu...

Je pensais à Callum et à l'énorme crevasse dans mon âme.

Vu la réaction de Tim, je me demandais si je n'avais pas été maladroite.
" Ai-je été maladroite? Est-ce que ça te gêne par rapport au manque de ton propre enfant?... Je suis désolée... "
Je me penchais un peu vers lui et passais doucement une main sur sa joue.
" Tu es celui dont je me sens la plus proche ici. Il n'y a personne qui veille sur moi comme tu le fais. Tu es si attentif, si compréhensif... Qui d'autre pourrais-je voir comme parrain? La petite n'ayant plus son père, j'ai besoin de quelqu'un de confiance pour être son modèle paternel... "
Car c'était ainsi que je voyais le rôle du parrain...

Alors, la petite se manifesta plus fort que d'habitude. J'appuyais une main sur la table. Je passais l'autre sur mon ventre en serrant quelque peu les dents. Les mouvements de bébé pouvaient être douloureux par moment...

- Non, c'est pas ça... enfin si, un peu... Il me manque tellement! Il aurait sept ans, tu sais. Il ne sera plus jamais là, son rire me manque, sa petite main dans la mienne, son sourire... son sourire, Lory...

J'étais bouleversé, parce que c'était un beau rôle, d'être le parrain de la petite, et que je serai là pour elles. Mais il était vrai que leur présence me rappelait son absence lui. Leur absence à eux.
Sa main sur ma joue me réconforta. Elle était si douce et compréhensive. J'acquiesçai à ses paroles.

- J'en serai ravi, Lory, vraiment. Et je suis touché que tu me le proposes.

Lory se tint à la table... la petite faisait peut-être la rumba, à cette heure. Il faudrait qu'elle sache que son père était un mec génial. Je me sentais honoré d'être le parrain. Mais j'avais si peur.
Je me levai et tira une chaise pour Lory.

- Tiens, assieds-toi...

J'allais chercher mon ordinateur portable, toujours allumé, sur mon lit. Je revins avec, au même moment la bouilloire se mit à siffler. Je posai l'ordinateur sur la table et ouvris le dossier photo. Curieusement, même après tout ce temps, je n'avais jamais montré les photos d'Amy et Callum. Comme si je les gardais pour moi et rien que pour moi... Mais je décidai de les partager avec Lory. Et pendant qu'elle regardait, j'allai prendre l'eau et la boite d'infusions...

Lorsque la petite fit son remue-ménage, Tim me présenta une chaise et me fit asseoir. Ensuite, pendant qu'il préparait les infusions, je regardais les photos d'Amy et de Callum sur son portable.

Lorsque je vis des photos de mariage, je regardais attentivement. J'étais intriguée. Tim et Amy avaient l'air si jeunes!
" Quel âge aviez-vous? Vous avez l'air si jeune tous les deux... "
Tim portait le kilt. Je savais que c'était une coutume écossaise, mais je ne savais pas que ça se faisait ailleurs.
" Et je ne savais pas que le kilt se portait en dehors de l’Écosse... "
Je lui souris. Je trouvais cela vraiment ravissant.

Puis, je vis des photos de Callum et Amy, certainement prises par Tim... et quelques unes de la petite famille au complet. Ils étaient touchants! L'image du bonheur.
" Quel beau petit garçon! "
Je repensais alors à Evan, songeant que nous ne ferions jamais ce genre de photos... ensemble. Des "photos de famille"... Des larmes me vinrent au bord des yeux. Je baissais la tête, et d'une voix tremblante, j'exprimais alors mes doutes.
" Et si je n'y arrivais pas? Je me sens tellement seule... et perdue aussi... "

Je pris la bouilloire et la boite d'infusions et revins à table. Lory regardait mes photos, intriguée. C'était une chose de rencontrer une fille à l'âge de 15 ans... c'était même très ordinaire... mais l'épouser deux ans plus tard envisager le reste de sa vie avec, c'était un peu moins courant...

- Nous avions 17 ans. Nous nous sommes rencontrés à l'école, quand on avait 15 ans. Elle venait d'arriver dans le coin, et nous sommes rapidement devenus amis, et bien plus que ça. A la fin de l'année de scolaire, j'ai été admis à l'université, et elle est restée au lycée, pour aller en année supérieure.

Je m'assis, et servis les infusions, puis reposai la bouilloire sur la table. Je croisai les bras et eus un sourire un peu nostalgique.

- Je suis issu d'une famille d'Ecossais, mon arrière-grand-père a quitté Elgin pour le nouveau monde... mes frères se sont mariés en kilt, mon père, mes oncles, grands-pères... enfin bref, c'est un truc de famille.

Elle parla de Callum... puis eut un passage sombre. Je posai alors une main sur sa joue. Elle avait tellement besoin de soutien et de réconfort.

- Tu y arriveras, Lory... et tu n'es pas seule. Et la petite saura tout de son papa avant de savoir lire.

Je baissai alors les yeux et retirai ma main, qui trouva la tasse, pour faire diversion. Je soupirai et relevai les yeux.

- C'est normal, d'être perdu... qui ne le serait pas? Tu m'aurais vu, au début, complètement paumé... Une véritable épave. J'ai plusieurs fois songé à en finir, je n'envisageais pas la vie sans eux. J'ai été alcoolique. Puis j'ai remonté la pente. Parce que j'avais des amis, de la famille, parce qu'il y a d'autres choses à vivre et à faire... et que je me dois d'honorer leur mémoire en continuant mon chemin et en me souvenant d'eux... Je sais que c'est dur... incroyablement dur. On pense souvent que c'est impossible. Parfois encore, j'ai des doutes. Mais tu n'es pas seule, Lory. Je sais que ce n'est pas la même chose, que l'étreinte d'un ami ne remplace pas celle d'un époux. Mais on va y parvenir. Et su tu te sens perdue, tu m'appelles, et je te prêterai mon GPS émotionnel.

Je pris sa main dans la mienne. Nous étions solidaires.

Heureusement que j'avais Tim. Son soutien m'apportait et m'importait bien plus qu'on ne pouvait l'imaginer. On se comprenait et on en était que plus solidaires...

Le temps passa un peu. Une nuit, alors que je m'étirais en dormant - comme on peut le faire souvent en dormant, consciemment ou inconsciemment - je ressentis soudainement une violente douleur dans les pieds et mollets. Mes pieds étaient restés coincés en pointe de danseuse, et je n'arrivais pas à les redresser. Des crampes. C'est quelque chose de très courant durant le dernier trimestre, sauf que j'ignorais ce détail... La douleur était si intense que je laissais échapper un cri... qui du s'entendre chez mon voisin. Et comme je n'arrivais pas non plus à sortir du lit pour tenter de redresser mes pieds, je finis par appeler de l'aide. Je ne savais pas quelle heure il était, mais nous étions au milieu de la nuit. J'étais gênée de le réveiller, mais j'avais vraiment besoin d'aide. Je portais une sorte de chemise de nuit ample - venant des athosiens - qui arrivait à peine aux genoux. Et comme on bouge en dormant... je la rabaissais un peu, mais ne pus la descendre mieux qu'à mi-cuisses. ça irait!
" Tim... J't'en prie... J'ai besoin d'aide... "
Ma porte était déverrouillée, heureusement. C'était une mesure que j'avais prise récemment. Personne ne le savait sauf Tim. En cas de souci, c'était plus facile de venir "à mon secours". Je pensais alors que j'avais vraiment eu du flaire, sur ce coup là! J'espérais juste qu'il m'entendait. J'avais les larmes aux yeux. Terrible cette douleur! Je criais alors plus fort:
" Tim?! "

Je dormais assez bien dernièrement. Ma vie commençait à retrouver un semblant de normalité. Comprenez par là que je ne faisais plus de crises d'angoisse et que je devenais quelqu'un de vachement plus sociable et ouvert qu'avant.

Mais j'aurais pu dormir encore mieux sans ces cris venant d'à côté... je mis un certain temps pour émerger, je pensais que ça venait d'un rêve... enfin bref, je dormais tellement bien que je ne compris pas de prime abord que c'était Lory qui m'appelait.
Mais quand je le compris, je me levai en vitesse, enfilai un t-shirt, et me précipitai chez elle. Elle avait cessé de verrouiller sa porte quelques temps plus tôt, au cas où. J'entrai donc sans mal.

- Je suis là! Désolé pour le retard! Que se passe...?

Je vis bien rapidement les crampes carabinées! Amy avait eu ça deux ou trois fois en fin de grossesse. Alors, sans plus de paroles inutiles, je m'occupai des jambes de Lory, massant ses mollets et ses pieds et pour les dénouer...

- C'est assez courant en fin de grossesse, ne t'en fais pas.

Il fallait bien la rassurer, elle n'avait pas besoin de croire qu'elle était malade en plus de ça!

Alors Tim vint, décoinça mes pieds et mes mollets. La douleur se calma.
" Merci... t'es un ange... "
L'instant d'après, je baissais un peu le regard.
" Je suis désolée de t'avoir réveillé... "
Cela se reproduisit plusieurs fois dans les semaines qui suivirent, mais je pus toujours compter sur l'aide de Tim quand ce fut le cas.

Et quelques semaines passèrent. J'arrivais à 5 mois et demi de grossesse. Je pouvais donc accoucher n'importe quand dans la quinzaine à suivre. Et une nuit, je fus réveillée par des douleurs. Contractions. Je me levais, et fis quelques pas. Et avant d'arriver à la salle de bain, je me mis à perdre du liquide. Là, comme ça, debout au milieu de ma pièce...
" Oh lala! "
Je savais quoi faire: prendre mon oreillette et appeler une équipe médicale. Alors quelqu'un viendrait me chercher avec un brancard. C'était tout simple. Mais non. Une angoisse. Un moment de panique. J'appelais mon ami, celui sur qui je pouvais toujours compter, celui qui savait me rassurer...
" Tim! "
Lorsqu'il arriva, il me trouva debout, avec un regard paniqué et une flaque aux pieds...

Et nous y étions. Au fil des jours, l'instant approchait. Nous savions que ça pouvait venir n'importe quand. Evidemment, que ça arrive en pleine journée, alors nous sommes préparés, par exemple, avec le sac sous le bras et déjà en route pour une visite de routine, c'était impossible. Ces dernières semaines, j'avais passé la moitié de mes nuits à veiller sur Lory et à l'aider.

Et donc, pourquoi penser que cette fois ci serait différente? Et puis, on prenait presque l'habitude! Mais cette fois, quand j'arrivai chez elle, je vis toute l'étendue de la chose. Mini-Lory voulait sortir. Elle avait ouvert la porte et engendré une inondation...

- Bon!

Je pris les choses en main, c'est à dire la faire asseoir, avertir les gars de l'infirmerie et prendre le sac qu'elle avait préparé pour son petit séjour en maternité lantienne, tout en restant près d'elle... Je posai le sac et m'installai à côté d'elle pour la serrer contre moi.

Après avoir appelé l'équipe médical, et sorti mon sac, Tim vint s'aseoir à côté de moi. Il me serra contre lui.
" Je t'ai encore réveillé... Je me sens bête. Je savais quoi faire, et... j'ai paniqué. Je suis désolée... "
Je me blottis dans ses bras comme je ne l'avais encore jamais fait.
" J'ai peur... Tu voudrais bien rester avec moi?... jusqu'à ce que ce soit le moment, je veux dire... ça t'embête pas? "

Et c'est ce qu'il fit. Mais tout se passa très vite. Cela arrive parfois. C'est une chance, m'avait-on dit. La petite habillée, et mes soins terminés, Tim pu me rejoindre. Je tenais ma fille dans mes bras. Il arriva près de nous et je lui dis:
" Voici ta filleule: Isabelle Evana Lorne. J'ai choisi Isabelle parce que c'est le prénom féminin le plus proche d'Isaac que j'ai trouvé... ça commence pareil... je voulais qu'elle ait quelque chose en commun avec toi... "
Il put alors voir une petite fille qui ressemblait beaucoup à sa mère, mais qui tenait quand même de son père, ses yeux et ses cheveux sombres.

J'en restai le cul sur la théière... Elle avait pensé à moi pour prénommer sa fille. Isabelle. Parce que ça commençait comme Isaac. Je ne dis rien sur le moment, j'étais complètement abasourdi. Je n'aurais jamais pensé ça.
Je les regardais toutes les deux... la petite Isa était mimi comme tout, elle me rappelait Callum: une toute petite chose emmaillotée dans les bras de sa maman. Sauf que j'avais pris Callum dans mes bras...

Je me sentis bête à ne rien dire ni rien faire. Mais j'étais tellement ému. Je m'assis à côté d'elle, sur le rebord du lit et lui prit la main en souriant. Je ne sais pas vraiment ce qu'elle pensait de ma réaction, moi-même je n'en avais aucune idée. C'était comme si on m'avait offert une deuxième chance. Isabelle ressemblait un peu à sa mère... c'était un peu difficile de juger, à cet âge là... et elle avait les cheveux sombres de son père.

Finalement, au bout d'un moment, je pus dire un mot. Et je ne sais pas trop ce que je dis, en fait.

- Hé bas dis donc...

Je souris à ma fille, puis levais le regard vers Tim, tout en lui souriant. Je lui demandais alors:
" Tu veux la prendre dans tes bras? "
C'était une tradition chez moi. Il le savait, nous avions pas mal discuté de nos coutumes respectives. Le parrain était la première personne à pouvoir prendre le nouveau-né dans ses bras, juste après les parents.

Chapitre 10: retour sur Terre

Les semaines défilèrent. Le temps passe si vite avec un enfant! Isabelle grandissait et évoluait comme tout enfant humain, mais ça me paru tout de même vraiment rapide. Tim et moi passons beaucoup de temps ensemble. On s'arrangeait pour ne pas travailler à l'extérieur en même temps, de façon à ce qu'il y ait toujours un de nous qui puisse veiller sur Isabelle. Tim se comportait en véritable "papa poule". La petite ne manquait pas d'affection "paternelle"...

Un retour sur Terre étant enfin possible, j'avais contacté la famille d'Evan. Je leur avais annoncé son décès... ainsi que la naissance de sa fille. La petite avait presque 6 mois. Il était temps que sa famille la rencontre. Je tenais également à rapporter sur Terre les cendres d'Evan, pensant que ce fut ce qu'il aurait souhaité. Il nous avait quittés depuis presqu'un an. Rapporter ce qui restait de lui à sa famille, à ce moment là, était comme de rouvrir la plaie... alors qu'elle prenait déjà du temps à se refermer. Alors Leslie et Tim avait proposé de m'accompagner. Nous étions une équipe, et le restions, envers et contre tout.

Lorsque nous arrivâmes chez les Lorne, je tenais un coffret dans les mains qui contenait les cendres d'Evan. Tim me suivait avec Isabelle. Et Leslie portait un sac: des affaires d'Evan.

Il y eu une cérémonie, et les cendres d'Evan purent enfin rejoindre le caveau familiale des Lorne. Il y eu ensuite un rassemblement de ses proches dans la maison de ses parents. Les gens parlaient de lui, racontaient des anecdotes le concernant, des souvenirs. La plupart prêtaient à sourire. "C'était quelqu'un de bien, de vraiment bien" était ce qui était le plus dit. "Cette petite a les yeux de son père" aussi.

Au bout d'un moment, je sortis dans le jardin, prendre un peu l'air. La petite était avec ses grand parents. C'était l'été. Il faisait chaud, mais un léger vent frais rendait le climat agréable. Je vis le petit kiosque, derrière la maison, qu'Evan avait peint. Il l'aimait beaucoup. Nous y avions d'ailleurs fait des photos, le jour de notre mariage. Je m'asseyais sur un banc, et fermais un peu les yeux. Je respirais lentement. J'avais besoin de cette coupure pour me détendre un peu...

Une équipe. Leslie et moi risquions un peu de passer pour des étrangers: tous ces gens ne nous connaissaient pas. Mais nous y allions, pour rendre hommage à notre ami et pour soutenir Lory. La petite Isabelle nous demandait beaucoup de temps... cela me ramenait en arrière. Callum m'avait pas mal occupé. Et je commençais à fermer cette blessure, Callum était parti pour de bon, et je me devais de la laisser aller.

Leslie et moi restions derrière Lory pour la cérémonie. Elle avait besoin de notre présence pour ne pas se noyer dans cet océan de Lorne. J'avais Isabelle dans les bras pendant que les autres parlaient d'Evan. Moi, je n'avais pas grand-chose à dire, je ne l'avais pas tellement connu. C'était seulement un homme bien, qui en plus avait cru en moi, m'avait laissé ma chance dans son équipe. C'était dur de perdre un bon ami. De le perdre si vite aussi.

Après, je laissai la petite avec ses grands-parents. Ils fallait bien qu'ils fassent connaissance avec l'héritage de leur fils. J'avais vu Lory sortir. Je me décidai à la rejoindre. Prendre un peu l'air ne faisait pas mal, l'atmosphère était pesante même s'il était nécessaire de passer par là. je reconnus le kiosque des photos du mariage que j'avais vues.

- Hey. Est-ce que ça va?

Depuis quelques temps je me sentais vraiment proche d'elle. J'en avais parfois des nœuds dans l'estomac et je m'en sentais coupable. Je me surprenais à guetter ses sourire et ses regards, qui étaient plus nombreux depuis qu'elle remontait la pente.

J'entendis la voix de Tim me demander si ça allait. Je rouvrais, et clignais un peu des yeux. Des larmes s'en échappèrent.
" Je ne pourrai pas rester ici... pas le temps de mes congés en tous cas. "
C'était ce que j'avais prévu de faire, afin que la famille fasse connaissance avec Isabelle.
" Leur deuil est récent, pas le mien. J'ai besoin de tourner la page, autant pour le bien d'Isabelle que pour le mien. "
Il était prévu également, qu'après cette journée, Leslie et Tim retrouvent leurs familles respectives, pour les congés. Alors voilà, je pensais quitter les Lornes plus tôt que prévu, mais je ne savais pas vraiment où aller. Je devais encore y réfléchir...
" Enfin, je pense que ça ne devrait plus être bien long... il y a bientôt des gens qui partiront. Ce sera peut-être plus facile quand il n'y aura plus tout ce monde... je sais pas... "
Je sortis un mouchoir et essuyais mes yeux. Je penchais la tête en avant. D'autres larmes suivirent. Puis, je me forçais à retrouver mon calme, en respirant profondément et lentement. Et quand je fus un peu plus calme, je relevais le regard vers Tim et lui demandais:
" Et toi, comment ça va?... "
Il connaissait cette situation. J'espérais seulement qu'il ne revivait pas trop le passé...

Je comprenais tout à fait ce qu'elle voulait dire. Il était vrai qu'ils avaient, pour ainsi dire, un an de retard. Lory commençait à relever la tête, et même si c'était triste pour le reste de la famille, elle n'avait pas besoin de ça. Pour ma part, j'avais prévu d'aller dans le Montana le lendemain.

Je l'écoutais parler. Je l'écoutais souvent, elle en avait besoin et j'étais là pour elle. Moi, je n'avais pas trop parlé au début et je m'étais à moitié détruit. Alors il valait mieux parler et accepter les mains tendues...

Elle pencha la tête en avant, elle pleurait. C'était difficile. Moi-même, je n'en menais pas large, j'avais déjà vécu ça, et c'était toujours un vrai calvaire. Quand elle releva les yeux vers moi, je lui souris. Je posai une main sur sa joue... mais la retirai aussitôt. Bizarrement, là, je trouvais ça inapproprié.

- Moi... ça va... ça me ramène quatre ans en arrière, mais c'est ainsi. Si tu veux... tu peux venir avec moi dans le Montana. Cela te permettra de souffler, et on ira voir les montagnes. On peut laisser Isabelle avec ta belle famille pour quelques jours et revenir la chercher avant de repartir. Enfin, comme tu veux.

J'aurais bien invité Leslie aussi, comme ça, nous resterions en groupe, les uns pour les autres. Mais il devait voir sa famille lui aussi, je n'allais pas l'en empêcher. Pour l'instant, je voulais que lory ne se sente pas au fond du trou.
A force de la regarder, j'en fus troublé et je baissai les yeux. Je n'avais pas le droit de la regarder comme ça.

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